by Laurent Cetinsoy published the 19/05/2022
A chaque fois c'est la même chose, le contrat passé entre l’État et tel acteur souffre de retards et de surcoûts parfois considérables. Et le citoyen peut légitimement s'exclamer que telle entreprise “se gave encore sur notre dos”.
Mais est-ce la seule faute d'acteurs peu scrupuleux ? N'y aurait-il pas un élément systématique caché ? Car ce genre de péripéties arrivent régulièrement que ce soit dans le bâtiment, l'industrie logiciel, en France ou ailleurs.
La procédure de marché publique impose la publicité d'une demande de l’État pour toute contrat dépassant un certain montant. Les entreprises ou organisations qui veulent obtenir le contrat doivent alors fournir une réponse détaillée avec coûts, délais et qualité des livrables (entre autre).
Et si une entreprise répond en général c'est qu'elle veut gagner. Pour cela elle doit prendre en compte deux contraintes. D'une part, celle de vouloir obtenir un contrat profitable (ou à défaut qui ne génère pas de perte). D'autre part, elle doit tenir compte des propositions potentielles de ses concurrents. Quant au donneur d'ordre, il souhaite bien souvent obtenir la qualité maximum pour un coût minimum.
Cette situation engendre une situation similaire à ce qui qu'on appelle en théorie des jeux le dilemme du prisonnier. En deux mots, un dilemme du prisonnier représente une situation où plusieurs acteurs ne peuvent pas se coordonner et ont alors des incitations à ne pas coopérer. Ils vont donc être amenés à faire le plus souvent un choix égoïste. Ce choix est rationnel du point de vue de l'individu unique mais ne l'est pas forcément pour l'ensemble des acteurs.
Et ici la situation la plus rationnelle pour un répondant consiste à faire de la surenchère : plus pour moins cher, proposer les prix et délais les plus bas possibles, voire légèrement irréalistes. En effet une entreprise qui mettrait ses coûts réels risquerait fortement de se faire dépasser par un concurrent qui aura de grande chance d'appliquer le même raisonnement.
Ce jeu de dupe a souvent l'assentiment implicite du donneur d'ordre. Lequel si il est lié au politique a des incitations à accepter des prix bas : que diraient les citoyens si on révélaient le prix réel du projet ? Ainsi, une sorte de guerre des prix cachée s'enclenche avec l'assentiment du donneur d'ordre. Et une fois le marche conclu, impossible de le compléter dans les coûts initialement envisagés. La pièce de théâtre commence : “Il va me falloir une rallonge si non je ne pourrai pas terminer”. Et vu que le projet a commencé, il est difficile bien souvent de revenir en arrière. Le donneur d'ordre accepte alors mais on peut s'en prendre publiquement au répondant.
Si ce constat est accepté, il est alors permis de se demander si l'appel d'offre est le le système le plus vertueux pour l'achat publique..
-------- notes -----
Le dilemme du prisonnier est une situation théorique en théorie des jeux qui représente un nombre conséquent de situations entre acteurs.
Supposons que deux couples d'un crime soient arrêtés